Texte 3 : Ipsum, de Darklight

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chenipoteun
chat Texte 3 : Ipsum, de Darklight
par chenipoteun en novembre 2020

chenipoteun
213ème
3 024 points
En novembre 2020
Bonjour à toutes et à tous, voici le 3ème texte de ce concours, Ipsum écrit par Darklight, arrivé à la deuxième place. Bonne lecture !


Plaqué dos à la porte d’entrée, Ipsum respirait à toute allure, le visage recouvert de sueur. Le pauvre homme avait l’impression que son cœur allait exploser tant son rythme cardiaque était élevé. Mais actuellement, c’était le cadet de ses soucis, car son esprit restait envahi par une seule et unique vision, et des plus macabres, qui plus est : sa famille, assassinée. Il n’avait que cette image défilant en boucle dans sa tête, encore et encore, tandis qu’il entendait le bruit de la tempête faisant rage à l’extérieur…
Malgré tout ça, un éclair de lucidité parvint à se faire une place dans son esprit pour se questionner. Depuis combien de temps était-il là ? Avait-il couru longtemps ? Était-il ici depuis le départ ? Mais cette réflexion arriva bien vite à son terme car il n’en avait tout simplement aucune idée. Peut-être était-ce le choc ou la peur, en tout cas, il ne s’en rappelait pas.
Tout ce qu’il savait, c’était qu’il avait fait cette triste et horrible découverte puis qu’il s’était retrouvé seul ici. Entre les deux événements, c’était le trou noir absolu. D’ailleurs, en parlant de noirceur, cette maison semblait étrangement sombre, il n’y avait aucune lumière et les volets étaient tous tirés contre les fenêtres pour laisser uniquement un faible interstice entre les deux à chaque fois. Mais de toute façon, même s’ils avaient été ouverts, l’individu n’avait pas l’impression que ça aurait changé quelque chose, vu le temps, le ciel ne devait pas être bien mieux lumineux…
Soudain, un coup de tonnerre interrompit Ipsum dans sa réflexion et le fit sursauter alors qu’un flash éclairait la pièce d’à côté par l’entrebâillement des volets. Tremblant comme une feuille, il décida de se lever et de faire quelques pas dans cette direction. C’est alors qu’instantanément, à peine avait-il fait un pas, que des mots s’imposèrent à son esprit, comme quelque chose qu’il n’aurait cessé de se répéter et qui refaisait surface.
« Quelqu’un a assassiné ta famille. Le tueur est dans cette maison. C’est un monstre. »
Après quelques pas, l’homme eut un soudain maux de crâne alors qu’un nouveau message résonnait à ses oreilles, bien plus fort que les autres.
« NE VA PAS DANS LA PIÈCE DU HAUT. »
Pris de sueurs froides, Ipsum s’arrêta pour rester à fixer le parquet dans la pénombre. Ce n’était pas une voix étrangère qui lui disait ces paroles, mais bien lui qui se les répétait. Comme un stupide cours de collège pour un contrôle par exemple. En dehors de ces dires inquiétants, ce qui l’interpellait, c’était… pourquoi ? Comment se faisait-il qu’il se répétait ceci sans en savoir la cause ? Surtout dans ce contexte… Mais l’individu avait beau essayer de réfléchir, il n’y arrivait pas, son esprit envahi de pensées sombres et troubles sans qu’il n’arrive à quitter ce sentiment de malaise. Il avait la bouche sèche et l’impression que ses membres étaient faits de bois tant il était tendu. Chaque bruit, craquement de parquet, souffle de vent le faisait sursauter et regarder de toute part, cherchant le fameux assassin supposément avec lui…
Un éclair apparut alors à nouveau dans le ciel, éclairant la pièce par le petit espace ouvert des volets. Et là, le sang du pauvre homme se figea. En face de lui se tenait une créature horrible, recouverte de rouge. Une expression vide sur le visage, elle le fixait sans le lâcher des yeux... Ceux-ci choquèrent particulièrement Ipsum de par leur aspect vide et inexpressif. Mais bizarrement, il ne bougea pas, figé sur place alors que la salle replongeait dans le noir.
Un moment s’écoula alors que le tic-tac de l’horloge résonnait à ses oreilles, semblant faire durer ce moment une éternité. Paralysé, il ne bougea pas d’un cil, fixant l’endroit où il avait vu l’étrange apparition l’instant d’avant. Mille pensées envahirent son esprit quant à sa mort sans doute proche. Il s’imagina crier de peur et pleurer…
Mais la scène qui arriva fut tout autre. Quand la lumière revint au nouvel éclair et qu’il vit à nouveau le monstre, pris d’une soudaine hargne, il hurla et frappa violemment celui-ci… qui se brisa en mille morceaux. Perdu, Ipsum regarda les éclats voler pour atterrir lourdement à ses pieds sur le sol. Quand il se pencha pour voir de plus près, il vit plusieurs bouts de miroir brisés recouvrant le sol. Déboussolé, il resta à regarder autour de lui tandis que la pièce se faisait à nouveau envahir par les ténèbres.
Quand la lumière surgit à nouveau, il décida de se ruer sur la porte d’entrée et essaya de l’ouvrir d’un air désespéré. Mais la poignée ne fit que se bloquer. Sûrement fermée à clé. Il regarda dans le tiroir d’un petit meuble pour la prendre mais elle ne s’y trouvait pas. Une minute… Pourquoi aurait-elle dû être ici, il ne connaissait pas cet endroit, pas vrai… ? Mais cette incohérence quitta bien vite l’esprit du malheureux bonhomme, car il se trouvait coincé ici. Au bord de la crise de larmes, il frappa contre le bois de la porte et appela à l’aide encore et encore. Mais seul le bruit du vent et de la pluie heurtant le sol lui répondirent…

Ipsum se mit à trembler dans ses chaussures, sentant une goutte se sueur ruisseler sur son front. Etait-ce donc comme ça qu’allait se terminer sa vie ? Coincé dans cet endroit, avec un monstre défiant toutes ses connaissances et ayant tué ses proches… ?
Il regarda par-dessus son épaule les pièces vides s’ouvrant à lui, se demandant si cette créature était là à l’observer dans un recoin, sans que lui ne puisse l’apercevoir. Cette horreur qu’il avait vue l’instant avant, il l’imaginait soudain surgir pour lui foncer dessus et… eh bien, il n’y avait pas besoin d’aller dans les détails pour se douter de ce qui l’attendait… Une nausée l’envahit à nouveau lorsqu’il se remémora les cadavres. Mais au milieu de tout ça, il s’imagina cette chose dressée au milieu de ceux-ci. Il ne se la représentait pas très bien, mais… elle était dans le miroir, n’est-ce pas ? Était-elle alors seulement tangible, pouvait-elle commettre une telle chose ? Tout ceci n’avait absolument aucune logique, ce n’était tout bonnement pas possible, pas vrai ?
Mais le sentiment d’être vu sans voir prit le dessus de ses émotions et il se mit à regarder chaque côté qui n’était qu’ensemble sombre comme tous les autres. Rah, si seulement il ne faisait pas si noir… Attendez, noir ? Au milieu de toute cette panique, Ipsum réussit à articuler un rire pour se traiter d’idiot. Mais alors là, quel idiot. Il restait là, comme un enfant à avoir peur du noir alors qu’il lui suffisait seulement d’actionner l’interrupteur ! Maintenant qu’il y pensait, il se sentait ridicule.
Avec un sourire tordu, il pivota donc vers un pan de mur. Sa main droite se leva instinctivement comme si elle savait exactement comment trouver le dit objet depuis des années. Sa main gauche, elle, resta le long de son corps, tenant fermement entre ses doigts un objet sans aucune intention de le lâcher. Il l’avait depuis son « éveil », mais l’homme ne semblait pas s’en soucier, il ne prenait même pas la peine de le regarder. Les yeux brillants d’espoir, il fit glisser son index sur le mécanisme… et resta immobile alors que son visage se décomposait au son de claquement résonnant dans les ténèbres. Il recommença alors, encore et encore, à actionner frénétiquement le mécanisme. Clac. Clac. Clac. Clac. Clacclacclacclacclacclacclac. Mais l’homme eut beau recommencer encore et encore, jamais la lumière ne vint.

Alors qu’il entendait à nouveau les battements de son cœur résonner à ses oreilles, il tourna lentement la tête vers les éclats de miroir brisé jonchant le sol un peu plus loin. Il apercevait leurs rebords tranchants briller à la faible lueur venant parfois de l’extérieur. Il fit alors quelques pas en avant, essayant de se convaincre qu’il était tout simplement en train de délirer et qu’il y avait une coupure de courant. Oui, peut-être s’était-il tout simplement surmené et atteignait ses limites. La fatigue joue souvent des tours, vous savez. Sa famille allait sûrement bien, il avait dû cauchemarder éveillé, voilà tout.
Ipsum s’arrêta devant les éclats et les regarda. Ses bêtises lui avaient fait casser un miroir, c’était malin. N’y avait-il pas une histoire de malheur, d’ailleurs à ce propos… ? Toujours était-il qu’il s’était bien tourné en ridicule. L’homme lâcha un rire pour se détendre. Mais la seconde d’après, il retomba dans son cauchemar éveillé lorsque qu’un nouvel éclair illumina la pièce et qu’il vit… qu’il vit… Un œil. Un œil le fixer intensément depuis l’un des fragments alors qu’il était encore penché au-dessus. Non il ne délirait pas. Tout ceci se déroulait bel et bien. Manquant trébucher sur le sol, il quitta la pièce à pas précipités -non sans se cogner à presque tous les meubles de la bâtisse- craignant qu’une main n’attrape son épaule dans la pénombre.

Il y avait bien un monstre dans la maison. Un monstre assoiffé de sang qui lui voulait du mal. Il ne comprenait pas la rationalité de son existence, mais il s’en moquait. Il était trop occupé à essayer de survivre, là.
Cette courte pensée fut soudainement interrompue lorsqu’il heurta une porte entrouverte et s’étala sur le sol de la chambre d’amis. Vite, il ferma la porte comme il put et se plaqua contre celle-ci. Une minute, comment avait-il su que c’était… « la chambre d’amis » ? C’était juste une chambre, vu le peu qu’il en apercevait grâce aux petit espace des volets laissant s’introduire la lumière du vieux lampadaire, en plus… Enfin, peu importe, cette stupide question n’avait aucunement sa place ici, il y avait plus urgent. Bien plus urgent. L’homme entreprit donc de se faire une barricade comme il pouvait et avec ce qu’il trouvait, peu assuré. Après avoir mis difficilement un bureau et une chaise contre la porte, encore essoufflé, il chercha un autre meuble à déplacer. Peut-être le lit ? Ou… Son regard se figea soudain alors qu’un doute s’insinuait sous sa peau. Ses yeux restèrent à fixer un meuble dans un coin de la pièce, encore plus dans la pénombre que le reste.
Hésitant, il se mit à avancer sur la pointe des pieds vers le dit meuble. C’était une coiffeuse –soit-dit en passant, à son goût trop vieille par rapport au reste de la pièce-. Hein ? Comment pouvait-il penser ça alors que… que… Mais cette incohérence le laissa quand il fut devant la source de son trouble : un miroir. Le monstre était bien apparu dans une telle chose, plus tôt ? Se pouvait-il que, même s’il se barricadait, elle le rejoigne par ce biais ? Un nouveau pas en avant, un nouvel éclair, et il tomba devant la silhouette tant redoutée. La même. Elle était bien là. Juste là, devant lui à le fixer de la même façon. Ne tenant plus, il attrapa le premier objet à sa portée, un vase, et le fracassa contre le miroir qui vola à son tour en éclats. L’instant d’après, il se rua vers la porte pour ôter sa maigre barricade comme un sauvage et sortit dans le couloir.

Les instants suivants, tout fut flou. Ipsum resta à errer dans les sombres pièces, guettant la nouvelle venue de la créature, tenant toujours fermement cet objet inconnu dans sa main gauche sans n’y accorder aucun regard. D’autres éclairs surgirent, mais jamais le monstre ne réapparut. Si au début c’était un soulagement, cela devint petit à petit encore pire qu’au début. Il n’avait pas croisé de nouveau miroirs, mais la créature se limitait-elle vraiment à ça ? Car si on craint quelque chose qu’on voit, on le redoute encore plus quand on ne le voit plus…
Il s’arrêta alors face à un escalier, encore plus dans la pénombre que le reste, et il remarqua une chose qui avait échappé à son regard plus tôt. De la lumière venait de sous la porte à son sommet. De la lumière ! Instinctivement, son pied se posa sur la première marche pour monter. Mais il se plia soudainement en deux, envahi de maux de crâne insoutenables alors qu’un message se répétait en boucle dans sa tête.
« NE VA PAS DANS LA PIÈCE DU HAUT. « NE VA PAS DANS LA PIÈCE DU HAUT. NE VA PAS DANS LA PIÈCE DU HAUT. »»
Les larmes aux yeux, il se redressa difficilement et regarda la porte interdite, en sueur. Un moment s’écoula. Puis, tout à coup, toute cette crainte se mua en hargne et il grimpa les marches à toute allure jusqu’à arriver en face de la porte qu’il ouvrit dans un grand fracas.
D’abord ébloui par la lumière, il garda les yeux fermés pour finalement les ouvrir. Il eut alors l’impression que le sol se dérobait sous ses pieds. Il s’était jeté sans réfléchir dans cette pièce, il ne savait pas ce qui l’y attendait. Il avait surmonté la mise en garde inconsciente de son esprit malgré son trouble. Il n’avait pas vu distinctement la créature et n’avait pas mieux envie de la voir… Après tout, elle aurait pu être là. Mais il n’aurait jamais cru tomber sur ça…
Ipsum se laissa tomber à genoux, vidé de toute énergie alors qu’en face de lui se tenait un simple miroir en pied dans cette grande pièce éclairée. La silhouette était bien dedans à le regarder, ce monstre, il… Un bruit métallique fit écarquiller les yeux de l’homme lorsque sa main gauche lâcha prise sur l’objet qu’elle tenait encore sans relâche l’instant d’avant. Il pencha la tête… pour voir un couteau écarlate au sol devant lui. Puis, paralysé, il aperçut alors les cadavres de sa vision, étendus dans un coin de la pièce non loin de lui. Son cœur à deux doigts de lâcher prise, il releva finalement la tête vers le grand miroir et la réalité le frappa alors de plein fouet aussi violemment qu’un coup de poing.
Tremblant, il sentit des larmes ruisseler sur ses joues tandis que ses épaules s’affaissaient. Le monstre, l’assassin de sa famille qu’il fuyait depuis ce qui semblait être une éternité, il était bien là, mais pas de la façon dont il se l’imaginait.
Cette créature… n’était autre que lui. Lui, piégé dans sa propre maison. Cette silhouette… était son reflet. A la lumière, il le réalisait bien à présent. C’était indéniable. Et la réalité était encore bien pire à encaisser que la possible existence d’une chose sortie d’un imaginaire des plus tordus.
Non, le monstre n’était pas quelqu’un d’autre. Mais bien lui.
Bien qu’au fond, cela n’aurait pas changé grand-chose, car cette part de lui était comme un total inconnu. Ce qu’il avait exactement fait plus tôt, il n’en avait qu’une vague idée.
Quant à ce qu’il s’apprêtait à faire, il n’en avait aucune idée…

Note : « Ipsum », peut se traduire par « soi-même » en latin.

PetitSable
159ème
3 575 points
En novembre 2020
PetitSable niveau/12 experience 1575 facteur
Sincèrement, félicitations Dark ! Ce texte était vraiment.. waw ! Bien que j'avais compris un peu au premier miroir (merci le titre), le mystère plane encore et jusqu'au bout ! C'est super bien écrit et j'ai juste a-d'or-ré ! Bravo encore pour ton texte !
Galaxio
44ème
6 291 points
En novembre 2020
Galaxio niveau/13 experience 1755 facteur
Un texte qui m'a particulièrement plu car comme l'a souligné PetitSable le suspens est présent jusqu'à la fin ! J'ai bien aimé aussi l'ambiance assez oppressante
Darklight
389ème
2 107 points
En novembre 2020
Darklight niveau/12 experience 1060 facteur
Merci à vous ça me touche beaucoup ! ^^
J'ai essayé de faire de mon mieux du côté suspense et tout pour écrire un texte correspondant bien à cette catégorie, contente que ça ait fonctionné et plu : )
Aujourd'hui, à 20:07
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