Terra adulescentia mea par bbmama - Texte 4 Awards 2020

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Terra adulescentia mea par bbmama - Texte 4 Awards 2020
par Galaxio en août 2020

» 1

48^ème
6 121 points

En août 2020

Galaxio niveau/13

1755

Bonsoir, nouvelle fiction des Awards, celle de bbmama.

Bonne lecture !

<h2>Terra adulescentia mea (Terre de mon enfance, en latin)</h2>

<p align="justify">Mr Tortue faisait ses achats chez Irma lorsqu’il fit soudainement tomber un vieux coffre poussiéreux. Une pierre brillante de mille feux s’en échappa. Mr Tortue la ramassa. La lumière s’intensifia. Tout devint blanc, un blanc puissant, profond. Après quelques secondes, la petite boutique retrouva son calme. L’odeur d’herbe séchée qui embaumait habituellement la pièce, les graines sur l’étagère du fond, le carreau cassé de la porte : rien ne semblait avoir changé. Rien. Seul le coffre gisant sur le carrelage brun rappelait l’incident. Irma se redressa sur son fauteuil en lin, elle n’en croyait pas ses yeux ! M. Tortue avait disparu, il s’était évaporé comme l’eau d’un verre laissé trop longtemps au soleil. Elle était pourtant certaine que, quelques minutes auparavant, il se tenait là, devant elle. Elle s’avança près du coffre. Ce coffre lui semblait avoir été toujours là, au-dessus de l’établit, comme attendant que quelqu’un vienne le sortir de sa poussière. Mais elle n’y avait, jusque-là, jamais vraiment prêté attention. Un peu hésitante, elle y passa délicatement la main et en épousseta ainsi le dessus, laissant apparaitre une inscription : Terra adulescentia sua.

Terra adulescentia sua. Que pouvait bien signifier cette étrange expression ? Etait-ce le nom de la pierre qui reposait dans le coffre ? Ou était- ce peut être le nom de son propriétaire? Non... Il s’agissait en réalité d’une petite île du Pacifique, recouverte de fougères, de palmiers et de lotus, une île dont les nuances de vert offraient un paysage mythique et poétique. Sur la plage de sable d’un blanc étincelant, reposait, un peu hébété, M. Tortue. Sans même ouvrir un œil, il sut où il était. Le bruit des vagues, l’air marin, les odeurs de fleurs, la douce chaleur du soleil sur sa peau : il était à Terra adulescentia sua, la terre de son enfance. Soudain, un visage, qui lui sembla familier, fit son apparition entre deux rochers : « Enchanté ! Moi c’est Will », s’exclama l’inconnu.

Pendant ce temps, le désespoir et le chao s’étaient doucement emparés de Lapino. Sans M.Tortue et son chronomètre, les courses et les tournois avaient pris fin. Les lapins, démunis, se lamentaient dans leur parc devenu bien ennuyeux. Les joueurs n’osaient plus se rendre chez Irma, de peur, sans doute, qu’un sort funeste ne les y attendent. Et Irma quant elle, rongée par la culpabilité, tentait de percer le mystère de Terra adulescentia sua. Ramener la joie sur Lapino : voilà quel était son seul objectif ! Après deux semaines intenses de recherches, alors que l’espoir de retrouver M.Tortue commençait à s’estomper, elle se rendit à la bibliothèque afin de consulter le grimoire moisie. Elle aimait cet endroit plus qu’aucun n’autre : l’odeur de papier et de terre humide qui s’en dégageait lui rappelait tant de souvenirs. Les larmes lui montèrent aux yeux en songeant à son vieil ami M.Tortue. Lorsqu’il lâchait son chronomètre, il aimait s’assoir devant son pupitre de chêne, entre deux étagères emplies de livres plus vieux les uns que les autres. Il ouvrait un vieux bouquin dont la couverture en cuir sombre semblait si fragile. Il y racontait alors ses anecdotes, ses souvenirs, les moments de liesse qu’il avait connu sur Lapino mais aussi les moments de doutes… Irma s’approcha du pupitre, glissa sa main dans le casier situé sous le plateau et en sortit l’ouvrage. Stupeur. Son sang ne fit qu’un tour ! Sur la couverture, il était écrit en lettre capitale : TERRA ADULESCENTIA SUA. Elle feuilleta les premières pages, et découvrit l’enfance de M. Tortue, sa vie sur Terra adulescentia sua, sa rencontre avec Koni il y a 12 ans, leur projet de construire un havre de paix pour les lapins, les humains et tous ceux qui voudraient se joindre à leur aventure. Il raconte aussi la peine immense qu’il avait ressentie en quittant sa famille, et surtout son neveu Will. Il avait, lors de son départ, emporté une pierre lui permettant de retourner sur son île si il venait à regretter son choix. Irma savait désormais où se trouvait son ami. Mais elle savait aussi qu’il n’est pas en son pouvoir de le faire revenir : la décision appartenait à M. Tortue.

Cela faisait maintenant deux semaines que M.Tortue avait retrouvé son île, deux semaines qu’il racontait chaque détail de ses 11 années passées sur Lapino, devant les yeux émerveillés et ébahis de Will. Mais plus les jours passaient, et plus M. Tortue semblait angoissé, et triste. Une profonde mélancolie paraissait l’envahir. Il savait que Lapino avait besoin de lui, mais il savait aussi que le chemin pour s’y rendre était long et périlleux. Il n’avait plus sa fougue d’autrefois. A l’époque il était parti, sa casquette sur la tête, sans la moindre hésitation. Mais aujourd’hui il avait peur. Peur du vaste océan, peur de ne jamais revoir les siens, cette famille qu’il avait quitté si longtemps et qu’il venait à peine de retrouver. Après une longue réflexion, il prit son courage à deux mains, et un matin où l’eau était calme, l’air frais et le soleil bas dans le ciel, il embrassa ses proches, non sans verser une larme, et s’avança sur le sable blanc de la plage. Il allait partir. Il allait retrouver Lapino. Ses jambes tremblaient. Mais il le fallait. Il allait entrer dans les eaux sombres du pacifique lorsque soudain, il entendit derrière lui un souffle haletant. C’était Will. Les yeux pétillants et insouciants, il annonça, avec solennité, qu’il était prêt, près pour remplacer M. Tortue, prêts à prendre le chronomètre et apporter la joie sur Lapino. Il connaissait en effet toutes les histoires de Lapino, et surtout, il connaissait le chemin pour s’y rendre. Alors M. Tortue, apaisé, déposa sa casquette sur la tête de son neveu, lui accrocha le chronomètre autour du coup et lui remis une pierre brillante de mille feu afin qu’il puisse retrouver son chemin, même lorsque tout semble sombre et incertain.</p>

Désormais, la paix est revenue sur Lapino. Rien ne semble avoir changé, mise à part peut-être la moustache de M.Tortue : Le gris cendré a laissé place à un roux, flamboyant et lumineux.